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Filmosaure | March 9, 2020

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One Comment

Duel (1971)

Gibet
  • On March 22, 2013

Review Overview

Note
9

Repas de fête

Sortie (France) : 21 mars 1973

Steven Spielberg sera le président du jury du prochain Festival de Cannes. Du coup, à La Filmosaure, ça nous a donné envie de revisiter sa filmographie ! Aujourd’hui, je vais vous parler de Duel, son plus ou moins premier long-métrage.

Contrairement à ce qu’on a l’habitude de voir, Duel ne souffre jamais, tout premier film qu’il est (ou presque premier film si l’on considère que c’est Firelight l’authentique premier), de la maladresse ou de la timidité d’un réalisateur pas encore très affirmé. Au contraire, le jeune Spielberg, du haut de ses 23 ans, est ferme dans ses partis. Jamais on ne se dit qu’il aurait pu en faire plus, jamais on ne se dit que c’est prometteur – la promesse est déjà tenue.

Le jeune Spielberg est déjà pourvu de ce nez creux qui lui permettra d’enchaîner les succès quelques années plus tard : quelle belle intuition il a eu en choisissant d’adapter cette nouvelle de Matheson ! C’est une parfaite histoire qui lui permet de déployer, en ce qu’elle instaure d’emblée une tension et sans nécessité de dialogue, le mantra « show, don’t tell ». Quelle autre belle intuition que de faire adapter le texte par Matheson lui-même ! On sait avec quelle bêtise Hollywood a massacré ses oeuvres

Spoiler »

– un happy-end pour Je suis une légende ? Bien sûr ! Ça ne va pas du tout à l’encontre de l’essence même de l’oeuvre !

En faisant écrire le scénario à l’écrivain, Spielberg a préservé la sève de la nouvelle.

duel steven spielberg

Le jeune Spielberg manifeste également que sa solide culture cinématographique est déjà présente. À plusieurs reprises, on pense, face à tel ou tel plan, à des cinéastes aussi importants que Stanley Kubrick, Buster Keaton, et surtout Alfred Hitchcock. Il semble que Spielberg ait voulu, avec Duel, faire son film de Hitchcock. C’est l’assimilation facile à l’univers de Hitchcock qui l’a immédiatement attiré dans la nouvelle de Matheson et Hitchcock, de fait, est partout présent dans le film. Spielberg va jusqu’à le citer explicitement quand le camion fonce sur la voiture d’un vieux couple effrayé qui refuse d’écouter David, avec en bande son un pastiche de la musique de Psychose. Mais, loin de plomber le film en le faisant crouler sous des références trop grandes pour lui, ces univers disparates sont très bien digérés et forment un style homogène.

Devant Duel, on n’est pas dépaysé. On retrouve le Spielberg qu’on connaît bien. La seule différence nettement identifiable, c’est que le film est sec, abrupt – attitude que Spielberg abandonnera rapidement, au profit du tout public (pour ne pas dire, parfois, de la mièvrerie).

duel dennis weaver

Abrupt, Duel l’est en effet. Le film mise essentiellement sur le trop long, l’interminable. Le plus bel exemple de ceci, on le trouve dans cette séquence où David doit pousser un bus scolaire avec sa voiture. Il dit : « Non, ma voiture va rester bloquée ». Le chauffeur insiste. Le voilà donc à appuyer comme un dératé sur la pédale de l’accélérateur ! En vain. Ça ne bouge pas d’un poil ! Et à la fin, la voiture, comme prévu, se bloque sous le bus ! La séquence est particulièrement désagréable : Spielberg met en avant les sons mécaniques, le moteur qui tourne dans le vide, les pneus qui crissent dans le sable, et multiplie les gros plans sur les visages grimaçants et moqueurs des enfants qui observent. Autrement dit, en terme de narration, non seulement cette séquence est inutile (littéralement on n’avance pas) mais en plus elle ne fait même pas office de digression pour le plaisir du spectateur.

Cette séquence est à l’image du film entier. Beaucoup d’efforts, peu de résultats, beaucoup de frustration. Au total, on doit avoir une quinzaine de séquences (je parle ici de séquence comme unité d’action, pas comme unité de lieu) et Spielberg les fait systématiquement durer un maximum. Et ça ne veut pas dire que le film est ennuyeux ! Le mot approprié serait éprouvant.

C’est là qu’on voit le grand conteur ! Spielberg en fait ne raconte pas. Il nous coince dans la même situation que son personnage, de telle sorte qu’on fait corps avec le récit et qu’on devient totalement attentif à tout ce qui a lieu.

duel spielberg rétroviseur camion

Je l’ai dit : Duel est un film frustrant. Le dénouement soulage nos nerfs mais ne satisfait pas nos cerveaux. Jamais on ne saura pourquoi ce chauffeur de camion a décidé de tuer notre héros. Je ne me souviens pas d’un autre film de Spielberg où le cinéaste joue autant la carte de la frustration. Peut-être doit-on ceci à l’audace de la jeunesse ?

La résolution du film ne résout pas grand-chose. Mais cette irrésolution sublime le long-métrage et lui permet de s’élever vers le métaphysique. La mort, à l’instar du camion tueur, est anarchique ; elle n’a pas de mobile, de sens, de but. La mort est enfant de bohème !

Spoiler »

Et tout ce dont on peut se féliciter à la fin de Duel, c’est d’avoir su y échapper une fois. Qui nous dit que dès qu’il reprendra la route, David ne sera pas pris en chasse par un autre camionneur fou ?

Synopsis

David Mann a une longue route à faire pour se rendre à un rendez-vous. Très vite, il est détourné de son but par un poids lourd apparemment décidé à le tuer.

Comments

  1. Xavier

    Bravo, très bonne critique qui a également le mérite de faire la promotion d’un très bon film trop peu connu et trop peu montré.

    Je partage d’ailleurs votre frustration (puisque c’est le leitmotiv de votre article) s’agissant de l’adaptation de Matheson à l’écran.

    Il est en effet regrettable qu’un auteur qui a pourtant un regard très cinématographique dans nombre de sous nouvelles et romans soit aussi peu respecté par les scénaristes.

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