Tonnerre (2014)
Review Overview
Note
8Le festival Premiers Plans d’Angers se donne chaque année pour mission de récompenser les meilleurs premiers films européens. Parmi la sélection officielle, on trouvait cette année Tonnerre, du français Guillaume Brac, qu’on avait déjà remarqué avec Un monde sans femmes (2012). Avec ce premier long-métrage, la critique peut se dire qu’elle n’avait pas eu tort de miser sur lui.
Il est très difficile de vendre Tonnerre sans en gâcher le pouvoir, tant ce qui élève le film repose sur une habileté scénaristique dont le spoil, même allusif, gâcherait la saveur. La preuve en est que la bande-annonce officielle n’y parvient même pas. Je vais donc m’en tenir à deux arguments qui devraient vous donner envie d’aller le voir – si ça ne vous suffit pas, il ne vous reste plus qu’à me croire sur parole. Tonnerre vaut le détour.
Tonnerre raconte avant tout un retour au village. Maxime est un rocker qui rentre, suite au succès de son dernier album, se ressourcer chez son père, dans le patelin qui l’a vu grandir. Ce qu’on attend d’un tel pitch est là, et se trouve particulièrement bien exécuté. Déjà, le casting et la direction d’acteurs sont très fins : Vincent Macaigne est exploité au maximum de son potentiel et joue sur une gamme d’une ampleur rare ; les seconds rôles sont soigneusement campés (Bernard Menez est parfaitement crédible en papa qui n’a pas abandonné) ; quant aux petites gens qui peuplent le village et ses montagnes, ils sont incarnés par des comédiens amateurs qu’on suppose sélectionnés sur les lieux mêmes, ce qui leur confère une justesse et une fragilité qui touchent, d’autant plus qu’à plusieurs reprises, on sent que Brac a laissé une marge d’improvisation assez importante.
Tout ce petit monde est servi par une réalisation sans esbroufe mais qui a à cœur de capter l’atmosphère de ces rues enneigées où les joues rougissent doucement dans le froid, et par une écriture pleine de fraîcheur, qui ne tombe jamais dans le cliché du scénario type “citadin chez les bouseux” – quand les passages obligés ne sont pas carrément inversés, comme lors de la séquence chez le viticulteur (le vieux gars du village paraît plus libéré que les deux jeunes), ils passent sans problème car Brac ne méprise aucun de ses personnages, tels que ce moment où Maxime est reconnu par un villageois un peu maladroit dans son admiration.
Vous pourriez me répondre : “Des films frais et justes, j’en ai vu plein. Et ça n’est pas désagréable, mais de là à payer un ticket pour en voir un autre… Il va y avoir une histoire d’amour mimi, des malentendus avec le père, des moments solitaires à errer dans les rues désertes : j’ai déjà vu.” C’est aussi ce que j’ai pensé aux commencements du film. Mais au bout d’un moment, Brac trouve quelque chose – je n’en dirais pas plus, n’insistez pas – qui transporte le film vers un niveau supérieur, et soulève des questionnements passionnants, autant cinématographiques – jeux subtils sur le point de vue, sur l’écriture du protagoniste – qu’existentielles – connaissons-nous vraiment nos proches, les membres de notre famille, nos amis ?
Au risque de paraître un peu trop pascalien, je vous invite à faire le pari d’aller voir Tonnerre : dans le pire des cas, vous aurez de quoi argumenter contre ce nouveau cinéaste trop bien coté (c’est dès maintenant qu’il faut s’armer, Guillaume Brac vient pour rester) ; dans le meilleur, vous passerez un excellent moment.
Synopsis
Un rocker trop sentimental, une jeune femme indécise, un vieux père fantasque. Dans la petite ville de Tonnerre, les joies de l’amour ne durent qu’un temps. Une disparition aussi soudaine qu’inexpliquée et voici que la passion cède place à l’obsession.
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