Adieu au Langage (2014)
Review Overview
Note
9Jean-Luc Godard est un créateur. Il a, depuis ses débuts, toujours pensé le cinéma pour le réinventer, ainsi soit-il ! Il revient à 83 ans pour nous proposer un film-essai d’1h10, décrié par les uns, adulé par les autres sur le cinéma d’aujourd’hui, la fin ou le début de quelque chose ? Il nous livre son œuvre abstraite et métaphysique pour mieux poétiser le monde.
Godard est un créateur et un inventeur, il trifouille depuis toujours dans tous les recoins du cinéma. C’est avec les mains dans le cambouis qu’il va bidouiller pour être inventif dans une autre et nouvelle dimension, pour en ressortir un éclat insoupçonné. La 3D aujourd’hui veut dire effets spéciaux, grosse production et spectacle pour tous, mais pour Godard, que nenni ! Ici, on réinvente le cinéma indépendant, avec un matériel simple et des bricolages maison. Le secret de fabrication ; deux appareils photos Canon 5D juxtaposés ensemble pour créer de la 3D, un à l’endroit, l’autre à l’envers. Les téléphones ont également été mis à contribution. Il pousse ce nouveau relief jusque dans ses derniers retranchements, il joue avec les limites de la perception, de cette nouvelle mise en perspective des volumes et acteurs. Une symphonie visuelle, très pointue et sans doute abscond, mais qui prouve que la 3D, est un concept, une idée, qui peut être différente. Comme toute idée géniale, elle est simple mais personne ne l’avait encore fait. Avec ces effets, il sort de la platitude de l’écran pour offrir un film qui se voit et qui se touche.
La 3D sert à créer la profondeur, composer les images, sculpter des objets et fabriquer des plans de la grandeur des plus grands chefs-d’œuvres du cinéma, avec cette nouvelle composante comme élément central. La 3D peint. La 3D est un moyen de sculpter également. Godard filme lorsque l’inspiration arrive, de manière furtive et spontanée. Les impressionnistes prennent vie dans une salle obscure. Le lac Léman et ses ondulations sautent hors de l’écran comme des mouvements de pinceaux.
Godard répète, fragmente, pousse ce procédé dans les excès pour nous retrancher dans les questionnements artistiques du cinéma. Adieu au Langage nous pousse à se défaire du regard, des yeux des autres pour admirer la nature et sa métaphore dans la vie de l’homme. Quel est le support ? Le cinéma ? le récit ? Le langage ? non…. La 3D. Ce qu’il fait avec la 3D est tout simplement prodigieux et génial, on se dit « Oh mon Dieu » mais personne n’y avait songé ! On en reste bouche bée et surtout la tête à l’envers ,)
Godard scrute ainsi la vie, mate un couple, des couples, jusque dans la plus grande intimité qui puisse exister. L’individu est porteur de tous les sentiments, ils peuvent être représentés dans ces images qui nous sont projetées remplies de couleurs et qui nous font… rêver. L’écriture n’est rien sans l’image, qui reste le support absolu de la suggestion, dans le cadre d’un film, donc 24 suggestions par seconde pour 24 images/secondes. Vous l’aurez compris, Adieu au Langage n’est pas un film au sens classique du terme et ces quelques mots, pas vraiment une critique.
Le langage est-il donc bien nécessaire ? « On va bientôt tous avoir besoin d’interprètes, ne serait-ce que pour se comprendre soi-même », nous dit le film. Les hommes ne parlent-il plus le même langage ? Le chien serait-il le seul, le meilleur pour communiquer ? La métaphore est au centre de tout, le chien est son acteur. Pas de langage pour ce fidèle compagnon qui contemple le monde, mais bien des sens, ceux qu’on n’exprime pas assez… à quoi bon parler en fait ? Le message, le langage, les mots seraient-ils tous révolus… Il en reste un sens, où chacun peut plonger et découvrir, ce qu’il peut ou veut en retirer, car comme toute œuvre, ce n’est que le reflet en chacun de nous qui importe.
Au-delà de cet objet étrange, et quelque peu difficile à appréhender, mais qui se laisse voir par les plus curieux, il y a véritablement derrière ces images une immense beauté esthétique, des cadres poétisés et des dialogues savoureux. David Lynch a dit « On n’est pas obligé de comprendre pour aimer. Ce qu’il faut c’est rêver », une maxime godardienne précise : “L’important n’est pas de comprendre mais que cela soit beau”. Voici de belles déclarations au cinéma, art devant l’éternel ! Adieu au Langage représente la quintessence de ce cinéma. Un peu d’imagination que diable ! Car c’est l’imagination qui rend le cinéma si magique, tout simplement.
Synopsis
Un homme et une femme au plus près de leur intimité. Le récit se dilate et se décompose. C’est ce parcours qui permet à Godard de nos offrir ces scintillants éclats de beauté où se mêlent littérature, peinture, musique, cinéma et poésie.
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