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Filmosaure | December 30, 2017

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4 Comments

The Tree of Life (2011)

Anne-Swan

Review Overview

Note
8

Savoureux

Sortie (France) : 17 mai 2011

Force est de constater que Terrence Malick n’a pas la cote depuis quelques jours chez La Filmosaure. Mes chers collègues n’y sont pas allés de main morte en proposant leurs cinglantes critiques respectives de La Ligne Rouge et A la MerveilleC’est donc avec un certain enthousiasme chevaleresque que l’envie me prend de rééquilibrer la balance en proposant une critique cette fois plus élogieuse de The Tree of Life, qui est pour moi une oeuvre cinématographique plus que réussie, et qui a sans nul doute mérité sa Palme d’Or au 64ème Festival de Cannes en 2011.

Jack grandit entre un père autoritaire et une mère aimante, qui lui donne foi en la vie. La naissance de ses deux frères l’oblige bientôt à partager cet amour inconditionnel, alors qu’il affronte l’individualisme forcené d’un père obsédé par la réussite de ses enfants. Jusqu’au jour où un tragique événement vient troubler cet équilibre précaire…

Avant toute chose, il faut bien reconnaitre que The Tree of Life part avec un handicap non négligeable, et ce, pour deux raisons: Tout d’abord parce qu’il nous met face au pire sujet qui soit, celui de la perte d’un enfant – sujet qui va d’ailleurs d’emblée à l’encontre de ceux qui considèrent le cinéma comme l’outil de divertissement qui leur permet d’oublier un quotidien plus ou moins anxiogène. Ensuite, parce qu’elle met en lumière ce questionnement que toute personne un tant soit peu croyante se poserait face à un événement aussi tragique que celui vécu par la famille O’Brien : Pourquoi? Pourquoi lui/elle? Pourquoi nous? Nous n’avons pourtant rien fait pour mériter ça. Etc. Un processus réflexe qui peut d’ailleurs parfois amener l’individu à une totale remise en question de sa propre croyance. Autrement dit, le spectateur se doit d’être un minimum ouvert à la spiritualité pour pouvoir se laisser embarquer ar cette ambiance si particulière et apprécier le film à sa juste valeur. Dans le cas contraire, les sceptiques se feront un plaisir de démolir l’oeuvre de Malick, comme ça a été le cas à maintes reprises. Cette petite parenthèse préventive refermée, il est temps de revenir au film.

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Les premières secondes de ce dernier s’ouvrent sur une citation du Livre de Job (Chapitre 38, verset 4), à travers laquelle Dieu pose une question empreinte d’intimidation à Job : “Où étais-tu lorsque Je fondais la Terre?” Une supériorité divine qui trouve un adversaire tout au long du film à travers ce jeune fils ainé dont le frère chéri n’est plus, et dont le père tente de lui voler son enfance en lui inculquant une éducation si dure qu’il lui arrivera même d’en souhaiter la mort. “Pourquoi serais-je bon si Toi Tu ne l’es pas?”, se dit-il encore et encore tel un refrein entêtant. Qu’on le veuille ou non, que l’on soit très croyant ou agnostique, cette question est familière à bon nombre de personnes. Voici donc la première force de The Tree of Life : Parvenir à aborder un sujet aussi intime qu’universel avec une justesse remarquable, et ce via notamment cette famille magistralement représentée par une Jessica Chastain à la beauté fragile éblouissante et un Brad Pitt plus vrai que nature en patriarche qui lutte pour masquer sa sensibilité naturelle au profit d’un autoritarisme protecteur presque choquant, mais dont la maladresse émeut tout autant. En d’autres termes, une famille dont la tragique normalité ne laisse pas insensible et nous pousse à nous poser à nous-même cette question que l’on préfère refouler : Comment réagirais-je à leur place ?

Outre ce désir de plonger le spectateur dans une introspection, Terrence Malick – comme souvent – nous offre des images d’une beauté à couper le souffle, grâce auxquelles la nature est littéralement sublimée. Ceci à tel point que l’on parvient à s’échapper de cette tragédie le temps d’un instant pour se laisser aller à la contemplation, et aussi étrange que cela puisse paraitre, à un sentiment d’apaisement. Comme si Malick voulait nous rappeler qu’en parallèle des horreurs de ce monde et des dures épreuves que nous sommes tous amenés à vivre à certains moments de notre vie subsiste la beauté d’une nature qui quant à elle nous rappelle que la vie continue malgré tout. Et cette même nature va jusqu’à devenir un signe d’élévation, à l’image du lien invisible qui unit la Terre au Ciel, tout comme qui unit la vie à la vie après la vie – restant toujours fidèle à la vision religieuse de l’auteur et de son sujet. Je suis même tentée d’aller plus loin dans mon interprétation en soumettant l’idée que ce dernier a souhaité nous démontrer que  l’autre monde est aussi essentiel – pour ne pas dire plus – que la vie sur Terre. (cf : Entre autres, la dernière séquence du film qui semble représenter le paradi où se mêlent vivants et morts dans une sérénité aisément partagée)

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Comme le savent les plus connaisseurs, Terrence Malick a cette particularité de faire du montage le coeur de son travail. Après avoir amassé des heures et des heures d’images, il passe à l’étape la plus décisive – et colossale – de sa création : trier, découper, supprimer et assembler ses séquences favorites pour atteindre ce qui en fait une oeuvre d’art. Un pari à première vue risqué, et pourtant largement relevé par Malick qui nous offre à travers ce film des moments d’une beauté et d’une intensité émotionnelle tout simplement magnifiques. Seul petit bémol de cette prouesse technique, la présence de Sean Pean qui s’avère clairement anecdotique, pour ne pas dire injustifiée.

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Certes, The Tree of Life est une oeuvre difficilement abordable de par son parti-pris spirituel clairement affirmé.  Certes, “Malick fait du Malick” pour ne pas citer ma chère amie et collègue,  mais à mon sens, mieux vaut avoir une patte identifiable entre toutes et susciter des réactions très diverses voire parfois virulentes, plutôt que l’indifférence la plus totale. Et une fois encore, il suffit de se laisser un tant soit peu aller pour se rendre compte de la virtuosité qui émane de la caméra de l’auteur, et de sa création elle-même. Un dernier indice qui pourrait démontrer que Terrence Malick a réussi son pari ? Je suis allée le voir au cinéma en tant qu’agnostique, et en suis ressortie avec un certain nombre de nouvelles questions.

Comments

  1. Hihi. C’est amusant tout ça. Petite précision : personnellement, la foi est une thématique qui m’intéresse beaucoup, même qui éventuellement me fascine. Je lis avec une grande attention Saint-Augustin, Bossuet, Pascal… (Pascal me donne d’ailleurs assez souvent envie de croire en Dieu – malheureusement non, définitivement, mon coeur ne ressent pas la foi). Un de mes films favoris est A serious man des frères Coen qui, à mes yeux, traite génialement la question de la foi. Comment tu expliques que je ne sois pas touché par le film ? ^^

    • Anne-Swan

      Cher Gibet,

      Merci pour ce commentaire.
      Avant toute chose, je tiens à préciser que je n’ai jamais affirmé qu’être ouvert à la spiritualité signifiait forcément apprécier le film. Je disais simplement que c’était une étape nécessaire pour pouvoir éventuellement l’apprécier par la suite.
      Ensuite, pour répondre à ta question, et bien non je ne l’explique pas, et j’ai envie de te dire tant mieux ! Car après tout, c’est ce qui fait la particularité et le charme du 7ème art et de toute forme d’art en général, on aura beau rationaliser et intellectualiser la chose autant que l’on voudra, la part de subjectivité prendra forcément le dessus. Tous les goûts sont dans la nature. Et puis d’ailleurs, tu en es la preuve vivante puisque tu as commencé ton article de La Ligne Rouge en ces termes on ne peut plus subjectifs : “Je n’aime pas Terrence Malick” 😉

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