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Filmosaure | July 7, 2017

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Le magicien d’Oz (1939)

Le magicien d’Oz (1939)
Gibet
  • On March 13, 2013

Ma note : 8/10

C’est décidé : je boude Sam Raimi quelle que soit la qualité de son Monde fantastique d’Oz. À mes yeux, cette préquelle, à l’instar de La Planète des singes : Les origines, n’a pas de raison d’être. C’est pourquoi, à partir d’ici, je ne parlerai plus que du Magicien d’Oz originel.

SYNOPSIS

Dorothy, depuis sa ferme du Kansas, rêve d’aventure. Un jour, une tornade l’embarque, elle, sa maison et son chien, dans un pays merveilleux où tout peut arriver.

CRITIQUE

Je conçois qu’on puisse avoir des réserves quant au Magicien d’Oz de Victor Fleming, je ne suis moi-même pas un inconditionnel. Premier élément qui peut déranger : le visuel, en dépit d’effets à la pointe, n’a pas forcément très bien vieilli. Mais c’est le lot de tous les films à visée spectaculaire, on ne peut pas lui en vouloir en particulier. Revoyez le premier Seigneur des Anneaux de Jackson et vous constaterez que seulement douze petites années plus tard, les effets spéciaux ont pris quelques rides. Face à ces péremptions prématurées, nous n’avons qu’une chose à faire : être de bons spectateurs qui croient, avec le réalisateur et les acteurs, à l’histoire mise en scène et éventuellement, pour le Magicien d’Oz, trouvent cet aspect suranné charmant.

Autre problème : Victor Fleming prend parfois trop de pincettes sous prétexte qu’il réalise un film que les enfants devront pouvoir regarder. Dans une séquence, Dorothy, l’Homme en Fer Blanc et l’Épouvantail traversent une forêt. Dorothy s’exclame : « J’ai peur ! Il fait si sombre ! » À l’image, la forêt est éclairée tout à fait normalement, ni plus ni moins que les autres décors qu’on a vus auparavant. Elle ne paraît pas non plus très menaçante. Les arbres sont neutres, presque réalistes, et le chemin des personnages est, parmi eux, tout tracé – pas de lutte, pas d’étouffement. Il est impossible de frémir avec les personnages à ce moment-ci. On doit simplement croire Dorothy qui nous affirme qu’il fait noir et que ça fait peur. Les créateurs ont dû penser qu’ils ne pouvaient pas vraiment faire une séquence qui fait peur pour préserver les bambins. Ainsi, à la place de faire vivre la peur, on la raconte. On pourrait comprendre cette logique si d’une part le film n’avait pas été initié à la suite de Blanche-Neige et les sept nains où Walt Disney, lui, n’hésite pas à judicieusement effrayer le jeune spectateur et si d’autre part, quelques séquences plus loin, on n’avait pas des scènes potentiellement angoissantes avec ténèbres et sbires monstrueux. En fait, comme pour Autant en emporte le vent, les problèmes de production – une dizaine de scénaristes et quatre réalisateurs se sont succédés à la tête du projet – se ressentent sur le produit fini car la direction artistique n’est pas homogène. (Pour l’anecdote : Victor Fleming a abandonné le tournage du Magicien d’Oz aux trois quarts car Clark Gable le réclamait sur celui d’Autant en emporte le vent.)

On s’explique mal également certains parti-pris d’adaptations pas très idoines. La sorcière du roman, par exemple, est caractérisée de manière singulière : borgne, pâle, elle ne vit que dans des lieux sur-éclairés et se déplace en chevauchant un parapluie. Dans le film, la sorcière, au contraire, correspond à la sorcière-type : nez et doigts crochus, robe et chapeau pointu noirs, peau verte, verrues, balai.. C’est dommage que les créateurs n’aient pas profité des écarts du roman pour créer un nouveau type de sorcière, une nouvelle manière de dépeindre les Méchants. Encore une fois, une mauvaise compréhension du public enfantin est à mettre en cause : je suppose que l’équipe a décidé de  faire une sorcière-type pour ne pas le déstabiliser, alors qu’il suffit que la narration soit limpide pour que le petit d’homme comprenne les enjeux.

le magicien d'oz sorciere

Il est, malgré tout cela, aisé de sauver le film. Il faut notamment reconnaître qu’il est extrêmement généreux. Fleming et compagnie ne ratent pas une occasion pour nous en mettre plein la vue avec leurs centaines de figurants et leur Technicolor éclatant. L’équipe a fait le choix particulièrement significatif de transformer les chaussures d’argent du roman en chaussures de rubis : il s’agit d’exploiter au maximum les possibilités magiques de la couleur – l’argent, ce n’est jamais que du gris qui brille, on en a assez vu dans le noir et blanc ! On peut noter, dans le même sens, tout un tas de créatures et d’épisodes absolument pas nécessaires au bon déroulement du récit – le cheval qui change de couleurs à chaque plan en tête ! – mais qui trahissent, par leur gratuité, un véritable désir de donner le plus possible.

Cette générosité ne passe pas, précisons-le, par une surenchère. Le film a un bon sens du dosage et ne nous fait jamais crouler sous ses effets. Le cheval dont je parlais, n’est qu’un élément secondaire dans une séquence où nos héros voyagent et chantent. Fleming ne surligne pas la magie en faisant du cheval le centre de la scène. C’est malin puisque, pour les peuples qui habitent ce monde, ce cheval est commun, il n’y a pas de quoi s’y attarder. Ne pas surligner le merveilleux permet de mieux nous plonger dans cette mentalité totalement différente. Plus généralement, le rythme du Magicien d’Oz, preste et enlevé, rachète ses manquements, dans la mesure où, si une séquence est moyenne, elle est vite remplacée par une autre séquence.

Pour couronner tout ça, les chansons sont bonnes, voire excellentes. Si vous êtes sceptique, comparez-les à celles de Babes in Toyland, un film similaire de 1934 avec Laurel et Hardy ; vous ferez sans hésiter la hiérarchie, et au profit du Magicien ! Le fameux Over the Rainbow inaugural (la séquence, paraît-il, aurait été tourné par King Vidor et pas par Victor Fleming) est g��nial. La chanson est belle, la voix de Judy Garland est douce, mélancolique et étonnamment mature, et la mise en scène gère tout ceci aussi joliment que sobrement : Dorothy regarde avec espoir un hors champ qu’on ne verra jamais, ce qui nous annonce sans le dire la suite du film, et dans le champ, on n’a qu’un amas de grilles, de ferrailles, de cadres dans le cadre qui emprisonne l’horizon, pour mieux justifier le désir d’évasion.

le magicien d'oz original

La morale que porte le film, pour finir, est à la fois surprenante et salvatrice. Vous avez tous déjà entendu le « There’s no place like home » conclusif, y compris si vous n’avez jamais vu le film. C’est une phrase qu’on peut facilement interpréter de travers. Beaucoup pensent que c’est une manière de rappeler Dorothy à la piété familiale, autrement dit à la bonne petite morale bourgeoise américaine telle qu’on peut l’entrevoir dans Sept à la maison (« Where can you go / When the world don’t treat you right / The answer is home / That’s the only way that you’ll find » clame le générique de la série). Je suis, au contraire, persuadé que le foyer dont parle Dorothy est métaphorique. Avant de lancer sa célèbre phrase, elle dit : « Si je cherche à nouveau le bonheur, je n’irai pas le chercher plus loin que dans mon jardin. Parce que s’il n’y est pas, c’est qu’il ne doit être nulle part. » Si ce n’est pas symbolique, ça ! Dorothy nous explique en fait qu’il faut se responsabiliser, chercher les réponses en soi – « cultiver son jardin » comme disait Voltaire à la fin de Candide.

Et c’est bel en bien en ce sons que vont les aventures qui précèdent cette conclusion. L’Homme en Fer Blanc, l’Épouvantail et le Lion sont en quête de choses qui sont déjà en eux, et depuis le début. L’Homme en Fer Blanc veut un coeur alors qu’il est très émotif, l’Épouvantail un cerveau alors que c’est le plus malin des quatre et le Lion du courage alors que c’est lui, malgré ses jérémiades, qui finit toujours par agir dans les situations risquées. Les cadeaux du Magicien ne sont que des placebos qui les révèlent à eux-mêmes, en leur donnant confiance. Le film dit : si vous voulez quelque chose, n’attendez pas qu’on vous le donne, cherchez-le en vous, c’est potentiellement là, vous ne l’avez simplement pas encore exploité car vous ne saviez pas que c’était là.

magicien d'oz rubis

Ce Magicien d’Oz passablement imposteur en dit tout aussi long sur ce que le film cherche à transmettre. Le Magicien a de l’autorité parce qu’il se cache derrière une grosse machine qui fait beaucoup de bruit, et non pas parce qu’il a un pouvoir authentique. On obéit car l’illusion qu’il a mise en place lui confère une grandeur que seule l’illusion a. Il faut se méfier de ces faux chefs, semble dire le film. Le Magicien d’Oz, en somme, appelle à l’indépendance d’esprit ; c’est un message trop rare dans les blockbusters familiaux.

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